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Un palmier utile à 100%

Publié le 01.02.2013 par Bernadette Gilbertas - Voir les commentaires

Extrait du livre « Haidar El Ali, itinéraire d’un écologiste au Sénégal » Bernadette Gilbertas, éditions Terre Vivante

La dispersion du palmier rônier (Borassus aethiopum) en Afrique – un arbre originaire des plateaux éthiopiens – est en grande partie due aux migrations des éléphants. Une légende prétend qu’un ancêtre qui avait longtemps voyagé est revenu ici, en Afrique, détenteur de tous les secrets de ses richesses.

Au Sénégal, on l’appelle la sentinelle de la savane. Il fait tout à la fois office de lieu de nidification pour les oiseaux et d’abri pour les insectes, les rongeurs ou les animaux qui viennent s’y réfugier en cas d’incendie, car il présente une bonne résistance aux feux de brousse. Tout est bon dans le rônier, un arbre utile à 100 %. De ses palmes, on fait des lits, des chaises, des bibliothèques, des paniers, des balais. Dure et rigide, la nervure centrale de la palme est essentiellement utilisée pour la fabrication de meubles. Grâce à elle, on peut aussi calmer les maux de ventre, chasser les parasites. Bien gérée, l’exploitation du rônier ne génère aucun déchet ni gaspillage. Il est donc, pour les paysans de l’Afrique sahélienne, un véritable patrimoine, reproductible de surcroît.

Dans la région de Kédougou – qui se distingue par la richesse de ses forêts et par la déforestation –, il est de tradition, chez les Bassaris, de récolter le vin de palme, le bounouk. En agissant comme leurs ancêtres, les Bassaris d’aujourd’hui n’ont pas conscience que cette ressource est en train de s’épuiser. L’engouement pour le vin a de sérieuses conséquences écologiques. Un arbre produit en moyenne 7 litres de sève par jour. Saigné pendant trente ou quarante jours, l’arbre meurt après avoir donné 200 à 300 litres de sève. Le nombre de rôniers diminue sérieusement. « Que restera-t-il pour les générations futures s’ils tirent le vin jusqu’à la dernière goutte ? », alerte Haidar dans son film.

Mort sur pied, vidé de son sang, son tronc est alors exploité. C’est l’affaire des bûcherons. Une fois abattu, le tronc du rônier est partagé dans toute sa longueur. Installés à chaque bout, les hommes ne mettent pas longtemps à le débiter. Le tronc se fend en suivant les fibres de sa chair blanche. L’écorce imputrescible est très prisée dans les chantiers maritimes et la construction des ponts ou des charpentes. Un arbre de belle taille donne une vingtaine de lattes. Il faut donc plusieurs arbres pour construire une seule maison. À raison de 30 centimètres de croissance par an, il faut plus de trente ans au rônier pour atteindre sa taille adulte ; et moins de trente minutes pour l’abattre.

Après avoir suivi les Bassaris, récolteurs de sève, Haidar est parti à Fandène, à 7 kilomètres de Thiès. Sa caméra a saisi les charrettes tirées par des ânes transportant d’énormes cargaisons de palmes toutes vertes, les paniers finement tressés, empilés au bord de la route. Plus loin, de jeunes rôniers de différentes tailles en train de pousser prouvent la bonne gestion de la ressource. Les villageois de Fandène ne pensent pas qu’à couper. Ils plantent depuis toujours pour assurer l’avenir de leurs enfants. Fandène est ainsi devenue la plus grande forêt de rôniers du Sénégal.

Le rônier est pour l’Afrique de l’Ouest une fabuleuse ressource bafouée, hélas, par les lois et les hommes.

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